Pratique et Résultats de la Méthode Marine de Quinton
dans l’Athrepsie et le Choléra Infantile
Dr. JEAN JARRICOT, MD
I. - Introduction
Nous avons déjà exposé ici même (1), les raisons importantes de recourir à l'eau de mer en injections sous-cutanées dans les troubles de la nutrition et de la croissance du petit enfant. Nous avons montré comment l'utilisation ordonnée de l'eau de mer en injections a été l'aboutissement d'une longue série de recherches en biologie générale, et notamment de la découverte par René Quinton des Lois de Constance marine. Nous avons montré pourquoi l'eau de mer doit être considérée, non pas comme un remède parmi les autres, mais comme un milieu vital pour la cellule humaine, tout l'organisme n'étant qu'un aquarium marin où continuent de vivre, dans les conditions même des origines, les cellules qui le constituent.
Nous nous proposons de montrer maintenant les résultats auxquels on peut s'attendre en recourant à l'eau de mer en injections hypodermiques, à la condition d'observer des règles précises. Il existe, en effet, une technique essentielle dont le respect assure des résultats positifs dans la plupart des cas.
Rappelons, à ce sujet, que nous avons donné le nom de Loi de constance de l'eutrophie marine, à un phénomène vraiment spécifique de l'emploi de l'eau de mer en injections. La Loi de l'eutrophie marine (accroissement immédiat de l'enfant hypotrophique à la cadence moyenne de 800 gr. par mois) se présente tout à la fois comme la démonstration d'une capacité propre à l'eau de mer, de rendre à l'organisme appauvri la possibilité de s'accroître dès le début du traitement à la cadence optimale pour la cellule humaine, et, en même temps, comme un critère de la technique, puisque, si l'accroissement n'est pas aussitôt stimulé à cette cadence, on devra admettre qu'une faute est commise dans la direction du traitement. On pressent dès lors que la méthode proposée par Quinton comporte des règles précises; il en est ainsi pour le choix des doses d'injections et la posologie de ces doses. Mais il existe aussi, et on ne le sait pas suffisamment, des règles tout aussi impératives régissant l'alimentation des nourrissons injectés.
Même si ces règles de la diététique marine s'écartent toujours des prescriptions classiques, nous constatons avec plaisir que la pédiatrie orthodoxe évolue et se rapproche chaque année davantage des préceptes quintoniens. Nous sommes déjà loin du temps où les règles concernant l'utilisation de l'eau de mer étaient jugées révolutionnaires quand nous les exposions, il y 16 ans, du vivant de Quinton et en plein accord avec lui, (2).
Nous consacrerons la première partie de ce travail à l'exposition des préceptes à observer pour mener à bien un traitement à l'eau de mer; dans une seconde partie, nous montrerons, par des résultats généraux et par des exemples, l'ordre d'importance des résultats auxquels on est en droit de compter. Nous choisirons dans ce but un ordre de faits peu connus avant nos propres recherches: les résultats atteints sur une longue période par la méthode marine auprès de patients ayant souffert d'athrepsie et traités au Plasma marin par la méthode de Quinton.
II. - TECHNIQUE DE LA METHODE MARINE DE QUINTON DANS L'ATHREPSIE ET DANS TOUTES LES HYPOTROPHIES DU NOURRISSON.
A. — Doses d'injection dans les états de dénutrition:
1.) Cas de nourrissons de très faible poids: 10 grammes de Plasma par 24 heures pendant plusieurs semaines consécutives.
2.) Dosés courantes: 10 à 15 grammes de Plasma trois ou quatre fois par semaine.
3.) Cas de grande dénutrition, où l'amélioration n'est pas immédiate avec 10 grammes par 24 heures: passer à 30, à 50 et même à 100 grammes en 24 heures.
4.) Cas extrêmes, imminence de mort: quel que soit l'âge, commencer immédiatement par une dose forte pour le poids, par exemple 100 grammes ou mieux, deux doses de 50 gr. espacées de 24 heures. Sauf en cas d'œdème, maintenir ces doses jusqu'à la prise évidente de poids; diminuer alors progressivement, surtout si la constipation est très forte.
5.) Trois règles générales: a) le traitement d'un athrepsique ou d'un grand hypotrophique ne sera jamais inférieur à 3 mois; b) dans tous les cas où les résultats ne sont pas satisfaisants, diminuer les intervalles et augmenter les doses, sans tenir compte de l'âge; c) si l'on observe, après la première piqûre ou après les deux premières, surtout si la première piqûre a été relativement forte, quelques heures de fièvre et d'agitation, ne pas tenir compte de cette réaction qui est toujours sans danger et qui s'éteint d'elle-même.
B. — Généralités sur le régime des enfants soumis à la méthode marine de Quinton:
Trois règles principales: a) en aucun cas il n'est nécessaire de recourir à une reprise graduelle de l'alimentation; on donnera tout de suite la ration jugée nécessaire; b) en aucun cas il n'est nécessaire de recourir à des aliments d'exception: laits modifiés; farines prédigérées, etc. L'enfant soumis à la méthode marine ne réclame que du lait normal, des farines [céréales] ordinaires [les fruits épurés sont meilleurs], de l'eau pure; c) en aucun cas, le poids, la taille, l'âge ou un autre critère ne sera pris en considération pour imposer un régime à l'enfant, quelle que soit d'ailleurs la gravité de son état de dénutrition. Le régime de l'enfant, régime de l'instinct, sera fixé par l'enfant lui-même auquel on présentera par conséquent une quantité d'aliments supérieure à celle qu'il absorberait de lui-même à chacun de ses repas. Cette règle du régime de l'instinct est sans exception, sauf trois cas:
1) hernie susceptible de s'étrangler;
2) présence de symptômes d'entérite cholériforme;
3) période annuelle des grandes chaleurs.
C. — Mode d'application du régime de l'Instinct:
1.) Fixation du régime pour les enfants nourris exclusivement au biberon.
Même si nous n'exigeons pas de mesure du poids ou de la taille pour fixer de façon arbitraire le régime des athrepsiques et des grands hypotrophiques injectés à l'eau de mer, le poids, et surtout la taille nous servent d'indication pour fixer le nombre des repas de l'enfant en première approximation.
Il nous faut, en effet, tenir compte des relations qui existent entre la taille et la capacité gastrique et l'importance de la dénutrition, manifestée par le retard du poids de l'enfant pour sa taille (Coefficient d'athrepsie de Quinton) (3). Un enfant de taille peu réduite pour l'âge acceptera des rations supérieures à un enfant très frappé dans le développement de son squelette. Ce dernier aura une capacité stomacale des plus réduites pour son âge et nous devrons par conséquent lui présenter sa nourriture en un plus grand nombre de repas. D'ailleurs, dans les débuts du traitement d'un athrepsique il est constant de noter que le manque de force de l'enfant s'oppose à ce qu'il puisse prendre au biberon la ration dont il a besoin pour s'accroître. De tels enfants doivent être nourris à la cuiller ou gavés, pendant le temps des premières injections.
Sous ces réserves, voici le nombre de biberons et la composition de chaque biberon à offrir à l'enfant en 24 heures selon le poids et l'état physiologique, l'enfant recevant des injections tel que nous l'avons démontré.
Poids de l'enfant
| Prématurés, Athrepsiques et Atrophiques
| Enfants plus de la normale
|
Nombre de Biberons
| Composition de chaque biberon
| Nombre de biberons
| Composition de chaque biberon
|
en lait
| en eau
| en lait
| en eau
|
gr.
|
| gr.
| gr.
|
| gr.
| gr.
|
1.500
| 15
| 40
| 10
| -
| -
| -
|
2.000
| 14
| 55
| 10
| -
| -
| -
|
2.500
| 12
| 80
| 10
| -
| -
| -
|
3.000
| 10
| 90
| 10
| 9
| 60
| 10
|
3.500
| 9
| 115
| 10
| 9
| 70
| 10
|
4.000
| 9
| 120
| 10
| 8
| 80
| 10
|
4.500
| 9
| 150
| 10
| 7
| 110
| 10
|
5.000
| 8
| 150
| 10
| 7
| 120
| 10
|
6.000
| 8
| 150
| 10
| 6
| 150
| 10
|
7.000
| 6
| 200
| 0
| 6
| 160
| 0
|
Sous aucun prétexte, le nombre de biberons spécifié dans ce tableau ne sera modifié. Le lait sera légèrement sucré selon les prescriptions usuelles. En cas de vomissements, on pourra recourir au lait hypersucré. Mais Quinton ne sucrait jamais que très peu.
2.) Réalisation du régime de l'Instinct.
Nous venons rétablir les régimes de début, ceux qui seront offerts aux enfants pour tâter en quelque sorte, leurs capacités et permettre dans tous les cas une ration suffisante. Mais nous ne serons assurés de ce résultat que si l'enfant laisse quelques grammes de lait à la moitié des biberons qui lui sont offerts dans les 24 heures.
S'il ne laisse pas à la moitié des biberons, nous augmenterons, de 3 en 3 jours, chaque biberon de 10 gr. Certains enfants accepteront ainsi une ration de lait égale au tiers et jusqu'à la moitié de leur poids par 24 heures. En présence de ces hautes rations fixées par l'instinct de grands hypertrophiques, on vérifiera dans le cas d'un lait de provenance incertaine, si ce lait n'a pas été écrémé ou mouillé exagérément. Mais l'enfant demeurera toujours maître de sa ration.
Exemple: Enfant recevant 9 biberons de 115 grammes de lait, plus 10 grammes d'eau. Sept biberons sont acceptés en entier; 15 grammes de lait sont refusés à un biberon, 25 grammes à un autre. On prescrira aussitôt 9 biberons de 125 grammes de lait, plus 10 grammes d'eau. Sur ces 9 nouveaux-biberons, 6 sont acceptés en entier; 3 ne sont acceptés que partiellement. On prescrira aussitôt 9 biberons de 135 grammes de lait plus 10 grammes d'eau. Sur ces 9 nouveaux biberons, l'enfant refuse 10 grammes à 5 bouteilles par jour. Le régime à prescrire est obtenu.
Sous l'influence de ce régime, si l'enfant augmente de 20 à 50 grammes par jour, on considérera que le régime de l'Instinct est assuré. En aucun cas d'ailleurs on ne prendra prétexte de l'intensité de l'accroissement pour réduire la ration, même si l'enfant présente de la diarrhée. Hors, les 3 cas précédemment énoncés, le régime sera intégralement maintenu.
Sous aucun prétexte, le nombre de biberons spécifié dans ce tableau ne sera modifié. Le lait sera légèrement sucré selon les prescriptions usuelles. En cas de vomissements, on pourra recourir au lait hypersucré. Mais Quinton ne sucrait jamais que très peu.
2.) Réalisation du régime de l'Instinct.
Nous venons rétablir les régimes de début, ceux qui seront offerts aux enfants pour tâter en quelque sorte, leurs capacités et permettre dans tous les cas une ration suffisante. Mais nous ne serons assurés de ce résultat que si l'enfant laisse quelques grammes de lait à la moitié des biberons qui lui sont offerts dans les 24 heures.
S'il ne laisse pas à la moitié des biberons, nous augmenterons, de 3 en 3 jours, chaque biberon de 10 gr. Certains enfants accepteront ainsi une ration de lait égale au tiers et jusqu'à la moitié de leur poids par 24 heures. En présence de ces hautes rations fixées par l'instinct de grands hypertrophiques, on vérifiera) dans le cas d'un lait de provenance incertaine, si ce lait n'a pas été écrémé ou mouillé exagérément. Mais l'enfant demeurera toujours maître de sa ration.
Exemple: Enfant recevant 9 biberons de 115 grammes de lait, plus 10 grammes d'eau. Sept biberons sont acceptés en entier; 15 grammes de lait sont refusés à un biberon, 25 grammes à un autre. On prescrira aussitôt 9 biberons de 125 grammes de lait, plus 10 grammes d'eau. Sur ces 9 nouveaux-biberons, 6 sont acceptés en entier; 3 ne sont acceptés que partiellement. On prescrira aussitôt 9 biberons de 135 grammes de lait) plus 10 grammes d'eau. Sur ces 9 nouveaux biberons, l'enfant refuse 10 grammes à 5 bouteilles par jour. Le régime à prescrire est obtenu.
Sous l'influence de ce régime, si l'enfant augmente de 20 à 50 grammes par jour, on considérera que le régime de l'Instinct est assuré. En aucun cas d'ailleurs on ne prendra prétexte de l'intensité de l'accroissementpour réduire la ration, même si l'enfant présente de la diarrhée. Hors, les 3 cas précédemment énoncés, le régime sera intégralement maintenu; seules les doses d'injection pourront être un peu relevées. Si l'enfant, au contraire, n'augmente pas de 20 grammes par jour au moins, le régime sera aussitôt suspecté et une enquête instituée.
3.) Examen des cas où l'enfant, soumis au régime de l'Instinct, n'augmente pas de 20 grammes par jour au moins.
Une série de causes peuvent amener l'enfant à laisser du lait à plus de la moitié des biberons sans qu'il soit pour cela rassasié:
1) La tétine peut mal fonctionner; vérifier toujours la tétine.
2) Les biberons peuvent mal être présentés. Vérifier le mode de présentation (cas des crèches et des hôpitaux où il n'est pas rare que l'enfant soit abandonné à lui-même, son biberon à la bouche), toutes les fois où l'enfant n'est pas élevé par sa mère.
3) Une cause locale peut gêner l'alimentation (bec-de-lièvre, perforation du voile du palais, muguet [candida], coryza purulent entravant la respiration nasale et forçant l'enfant à quitter la tétine pour respirer). Dans tous les cas, supprimer le biberon et nourrir à la cuiller.
4) La force musculaire peut faire défaut et ne pas permettre l'effort pour la succion (cas des sujets réfrigérés ou pesant moins de 2 kgs 500). Nourrir encore dans ces deux cas à la cuiller, supprimer le biberon, prescrire les enveloppements ouatés; les boules d'eau chaude dans le berceau, etc., jusqu'à ce que la température rectale ait atteint 36.8 et le poids 2.5 kgs.
5) La capacité de l'estomac peut être faible et ne pas permettre à l'enfant d'ingérer chaque fois la totalité du lait qui lui est offert. Cette cause de refus est de beaucoup la plus fréquente. Donc, en présence d'un enfant qui refuse du lait à la moitié de ses biberons et qui ne gagne pas 20 grammes par jour, réduire de 10 grammes ou de 20 grammes chaque biberon et augmenter de un ou de deux le nombre des biberons offerts dans les 24 heures. Dans la plupart des cas, on verra le sujet vider immédiatement toutes ses bouteilles et l'augmentation pondérable s'élever à 20, 30, 40 ou 50 grammes par jour. Si ce résultat n'est pas obtenu, si l'enfant augmente de moins de 20 grammes par jour, en présence d'un régime qui le rassasie réellement, c'est qu'une cause organique entrave le développement. Cette cause peut être sans gravité (crise dentaire, diarrhée momentanée). Elle peut tenir, au contraire, à une hérédo-syphilis ou à une hérédo-tuberculose. [Si en doute, ordonner les testes appropriés sur la mère!].
D) En face de régurgitations ou de vomissements de réglage, maintenir le régime de l'instinct. Réduire, si l'on veut, de 10 grammes chaque biberon, mais si l'augmentation pondérable faiblît, reprendre le régime de l'instinct intégral, seul capable dans la majorité à des cas, d'assurer l'entretien et la réfection organiques.
E) En face de vomissements pathologiques, maintenir le régime de l'instinct. Agir sur le vomissement par l'injection sous-cutanée de Plasma non par la réduction de régime. Dans 85% des cas, les vomissements pathologiques sont jugulés par la première injection. Deux heures après la piqûre, l'enfant peut s'alimenter; il ne vomit plus. Si les vomissements persistent, ou reprennent, c'est que la dose d'injection aura été insuffisante. Elle sera élevée au besoin jusqu'à 200 grammes par jour. Ce n'est que dans les cas rares où les vomissements résisteront à cette dose qu'il sera permis de réduire le régime lacté. On procédera de la façon suivante. On remplacera trois ou quatre biberons de lait par des biberons de Plasma coupé d'un tiers d'eau (Plasma, deux parties; eau pure, une partie). On alternera les biberons de lait et les biberons de Plasma (un biberon de lait, un biberon de plasma, un biberon de lait, etc.). Aussitôt que les biberons de lait ne seront plus rejetés, on supprimera les biberons de Plasma. En face de vomissements pathologiques incoercibles, on pourra placer l'enfant pendant 24 heures et même 48 heures à la diète exclusive au Plasma, toujours coupé, d'un tiers d'eau. Le Plasma dilué est accepté avidement par l'enfant; il est toléré et maintient le poids...
F) En face d'une diarrhée vulgaire, même aqueuse, mais sauf pendant les chaleurs de l’été, maintenir intégralement le régime de l'instinct, sans même couper le lait d'eau, au delà des limites prescrites. L'enfant accepte ce qui lui convient de sa ration lactée et augmente de poids malgré la diarrhée. Le flux intestinal se tarit de lui-même après quelques jours ou après quelques semaines.
G) Dans aucun cas, ne couper le lait de plus de 20 grammes d'eau, sauf le lait de chèvre qui sera toujours coupé au quart, avec sucrage de l'eau à 160 grammes pour 1000 (exemple: 120 grammes de lait de chèvre, 40 grammes d'eau, 6 grammes de sucre).
H) En cas d'interruption du traitement marin, interdire aussitôt le régime de l'instinct et limiter
la ration aux doses conformistes.
4.) Cas des enfants nourris exclusivement au sein et des enfants à l'allaitement mixte:
On considérera comme soumis à un régime de famine tout athrepsique ou grand hypotrophique nourri exclusivement au sein. Le sein sera toujours complété et le nombre des repas fixé comme il est dit sur le tableau de la répartition des repas. On déterminera la valeur de la tétée après 10 minutes. On complétera avec du lait donné au jugé en quantité suffisante pour que l'enfant en refuse. S'il vide tous les biberons, la ration lactée prescrite pour chaque biberon sera augmentée de 10 grammes pour chaque biberon. Si malgré ces doses larges, l'accroissement du poids est inférieur à 20 grammes par 24 heures, on procédera à l'enquête qui vient d'être prescrite. Si l'enfant est soumis à un allaitement mixte, on évitera formellement de donner des tétées au sein exclusif alternant avec des repas au biberon. On rentrera dans le cas précédent en n'autorisant exclusivement que le mode des tétées complétées, pour chaque repas du nourrisson.
III - TECHNIQUE DE LA METHODE MARINE DE QUINTON DANS LE CHOLERA INFANTILE.
A) Doses d'injection.
a) Dans le cas où l'enfant présente nettement le tableau classique: selles nombreuses et réduites à de l'eau, presques inodores; vomissements, zones d'algidité du nez et des joues contrastant avec le front chaud, a fortiori si l'on observe la révulsion de l'œil, l'empreinte persistante au palper de la partie haute des cuisses, le ventre mou, la voix cassée, nous conseillons les doses suivantes: Pendant 10 jours, deux injections par jour, 200 grammes par piqûre. Si tout va bien après 10 jours, une injection de 200 grammes quotidienne, 10 jours encore. Le traitement d'un choléra infantile ne sera donc jamais inférieur à 20 jours et jamais, sous aucun prétexte, on ne fera moins de 2 piqûres par 24 heures pendant les 10 premiers jours, quelle que soit l'amélioration apparente de tous les symptômes.
Dans tous les cas où l'enfant est pris en traitement à la période préagonique (œil vitreux, dépression cornéenne, résolution musculaire, pouls radial difficile à percevoir, ralentissement respiratoire), on injectera pendant les premières 24 heures deux doses de 300 ou même de 400 grammes chacune, même chez un nourrisson très jeune.
B) Régime dans le choléra infantile.
Lait exclusif, régime du 1/10° du poids pendant 8 jours, 20 à 30 grammes d'eau dans chaque biberon de lait. En outre du lait, et deux heures et demie après les biberons de lait, un biberon d'eau, pure. Cette eau sera présentée à l'enfant pendant 5 minutes, l'enfant buvant à sa soif, sans limitation arbitraire, pendant ce laps de temps. Jamais de diète systématique.
C) Cas des vomissements.
On peut poser en principe que les vomissements cessent dès le premier jour du traitement. Dans les cas exceptionnels (15% des cas environ) où les vomissements persistent ou réapparaissent dans le cours du traitement (vomissements totaux ou sub-totaux, en jet et généralement immédiats), nourrir l'enfant au Plasma pendant 24 heures (deux tiers de Plasma, un tiers d'eau par biberon) en remplacement du lait. Si les vomissements totaux
réapparaissent à la reprise du lait, faire suivre un repas de lait vomi d'un repas de Plasma au tiers et revenir au lait au repas suivant pour continuer au lait ou en alternant lait et Plasma une fois ou deux; mais c'est un fait que le Plasma injecté jugule les vomissements et permet l'alimentation. Les selles dès lors ne son't plus un critérium de l'alimentation, l'amélioration de l'état général précédant l'amélioration des fonctions intestinales. La persistance des selles en eau, dans des cas tout à fait rares peut imposer de poursuivre la cadence de deux piqûres par 24 heures au-delà de 10 jours et d'élever au besoin les doses (2 piqûres de 300 grammes par exemple); en aucun cas on ne suspendra l'alimentation lactée, d'ailleurs réduite ici au 1/10 % du poids. Peser l'enfant 2 fois par jour. Modifier le régime selon le poids une fois par 24 heures.
D) Cas de la fièvre et cas de l'algidité.
Si avant le traitement l'enfant accuse une fièvre élevée, placer l'enfant dans un bain inférieur de 2 à 3 degrés à sa température centrale, par exemple dans un bain à 38°, si l'enfant a une température centrale de 40,5°. Inutile de donner de bain si la fièvre suit la première piqûre, la réaction s'éteignant d'elle-même. Dans le cas de fièvre due à la maladie, baigner une fois ou deux par 24 heures, en frictionnant doucement; durée du bain environ 20 minutes. Surveiller le faciès; si le faciès abdominal apparaît, suspendre le bain qui est une chose délicate à donner dans le Choléra infantile. Dans la période algide (température centrale inférieure à 36,7; ventre chaud, pieds et mains très froids), donner un bain réchauffant en élevant progressivement la température de 36 à 38,5. Même surveillance.
E) Cas de l'oedème.
L'injection de 400 à 600 grammes de Plasma par 24 heures à un nourrisson entraîne de l'oedème des membres dans 10% des cas environ. Le phénomène est sans importance; il a pour unique signification que le sujet porte dans ses tissus une réserve d'eau de mer et l'on injectera simplement une dose moins forte à la piqûre suivante, par exemple 100 au lieu de 200 grammes. Dans les cas où il existe de l'oedème avant toute injection (oedème cachectique) on injectera aux dosea ordinaires, l'œdème devant, dans ce cas, se dissiper avec le traitement.
IV. - CONSIDERATIONS GENERALES SUR LA METHODE MARINE DE QUINTON.
Nous venons d'exposer de façon un peu schématique, mais sous le signe de la pratique cependant, l'essentiel de la méthode marine de Quinton appliquée au traitement des deux maladies les plus graves de la nutrition du nourrisson. Pour nous d'ailleurs, nous estimons que, dans le traitement des affections de la nutrition des nourrissons, l'essentiel n'est point du tout de déceler la cause ou les causes qui sont entrées en jeu pour provoquer le trouble plus ou moins profond de la nutrition, mais d'avoir une idée simple et claire de la nature du trouble nutritif.
Nous avons choisi en conséquence deux affections ou plus exactement deux groupes de maladies en apparence très opposées pour faire mieux ressortir notre conception étiologique et expliquer en même temps comment une médication identique peut jouer un rôle aussi remarquable que paradoxal. Pour nous c'est la tension de dissociation de l'eau des tissus organiques qui serait influencée par la stimulation marine. Comme nous l'avons déjà fait observer (4), au contraire du sérum artificiel, simple vecteur d'un ion hydropigène dont le séjour dans les tissus n'est que passager, l'injection de Plasma de Quinton modifie l'aptitude des tissus a fixer de l'eau. Ainsi voit-on cette propriété marine arrêter les déshydratations mortelles de l'entérite cholériforme et faire récupérer à l'organisme de l'athrepsique la faculté de fixer de l'eau. Ainsi comprend-t-on qu'il faille recourir aux grandes différences posologiques que nous avons signalées. Dans l'entérite aiguë du nourrisson, l'eau de mer sera non seulement puissance modificatrice mais milieu vital suppléant aux pertes aqueuses. Dans l'athrepsie, de très faibles doses seront suffisantes au contraire, à la manière du stimulus physico-chimique infime qui préside au développement de l'œuf dans une parthénogénèse artificielle (5).
Nous avons aussi procédé à quelques inquisitions sur le mécanisme de l'action marine. C'est ainsi que nous avons mis en évidence une action élective et immédiate sur le foie en montrant comment l'injection de Plasma de Quinton modifie de suite la teneur intestinale en pigments biliaires (6). Nous avons montré de même par des expériences de laboratoire devenues banales maintenant, comment l'eau de mer protège contre le choc anaphylactique. Nous expliquons par cette observation le danger de certaines interruptions brusquées du traitement marin qui font cesser l'équilibre euphylactique et amènent les floculations massives avec leurs dangers (7).
Nous avons montré aussi, par des statistiques recueillies sur les nourrissons qui fréquentent depuis 1913 le Dispensaire, que nous avons dédié à la méthode marine une action eutrophique inattendue [eutrophique = eaux qui sont riches en éléments nutritifs et en vie végétale]. Proportions gardées, du poids; de la taille et du tour de tête, c'est le tour de tête qui manifeste sous l'action marine l'accroissement le plus vif. On se rappelle le mot de Cuvier: «Le système nerveux est tout l'animal. Les autres organes ne sont là que pour le servir».
Nous avons montré d'ailleurs, après Quinton, comment les maladies graves du nourrisson relentissent sur le développement de son périmètre crânien et comment un arrêt prolongé de l'accroissement du tour de tête est toujours annonciateur d'une issue fatale.
On mesure l'importance du fait de la reprise de l'accroissement du périmètre crânien sous l'influence du traitement marin.
Ces faits (et combien d'autres... mais nous sommes bien obligés de nous borner) nous semblent ne comporter qu'une conclusion, celle que nous énoncions déjà au début de ce travail. L'eau de mer n'est pas un médicament parmi les autres. C'est autre chose. L'expérience montre qu'elle jouit de propriétés vitalisantes et que, dans le cas de son emploi au profit d'organismes défaillants, tout se passe comme si elle apportait à la cellule humaine des énergies spécifiques.
V. - RESULTATS ELOIGNES APRES EMPLOI DE LA METHODE MARINE CHEZ DES ATHREPSIQUES.
Après Quinton, Macé et maints auteurs, nous avons nous-même, dans le cours de ces 24 dernières années, rapporté maintes observations tout à fait démonstratives. Nous avons publié des cas nombreux accompagnés de figures. Il n'est donc pas certain que notre thèse gagnerait beaucoup à multiplier encore ces documents, si décisifs soient-ils. Nous n'avons pas l'impression que nous puissions gagner les esprits qui résistent encore, même en apportant de nouvelles moissons de faits semblables aux premiers. Au contraire, à tort ou à raison, nous pensons que nous possédons un argument de grande valeur, dont nous n'avons pas usé encore parce que nous avons voulu attendre que le temps ait suffisamment travaillé pour nous. C'est l'observation, après quelque 20 ans et plus, d'anciens athrepsiques pris en traitement expirants. Que sont devenus ces enfants? Les résultats obtenus au moment du traitement furent-ils durables? Les guérisons n'étaient-elles qu'apparentes? Les transformations ne devaient-elles être que fugitives? Voici la réponse des faits.
Observations:
Nous regrettons d'ailleurs de ne pouvoir publier ici qu'un aussi petit nombre d'observations, parmi celles que nous possédons, dont le nombre s'accroît au fur et à mesure que se poursuit notre enquête.
Nous nous estimons cependant très heureux déjà de la bonne grâce avec laquelle «la Cure Marine» a bien voulu nous accorder, et pour la seconde fois, une place aussi libérale. Quant au choix que nous avons fait, pour les joindre à ce travail, des quatre observations ci-après, ce n'est pas qu'elles soient plus caractéristiques que les autres. Nous avons préféré au contraire les plus courantes, les moins exceptionnelles, mais en même temps les plus anciennes, ces observations permettant un recul compris entre 25 et 27 ans. Au surplus, notre intention est bien de publier les résultats éloignés- de la méthode marine de Quinton et c'est chose commencée déjà (8).
Observation A. — (René Quinton) — Paul G...
Admission au Dispensaire marin de Paris le 29 mai 1912. Poids de naissance (à terme), 3 k. 900. Gains en 5 mois: 1010 gr. Retard à l'admission au Dispensaire, à 6 mois 9 jours: 32 % (figure 1).
Vomisseur- dès le premier mois. A l'admission l'enfant vomit 7 fois par jour, chaque fois la moitié du lait absorbé. Depuis trois jours, apparition d'entérite aiguë avec selles en eau compliquant une colite chronique muco-membraneuse qui dure depuis plusieurs mois. Depuis plusieurs jours, diète hydrique. A l'arrivée: 40°, pâleur extrême, ganglions cervicaux, exillaires, inguinaux; tout le squelette visible; tous les téguments ridés; repose, les yeux mi-clos.
On ordonne régime du 1/10°; hautes doses de Plasma: 100 à 200 grammes de Plasma par jour. En 48 heures, les urines, qui avaient disparu, redeviennent abondantes, le ventre souple, les selles consistantes. Mais pendant un mois on devra lutter contre des alternatives de constipation et de diarrhée avec crises muco-membraneuses dès que l'on abaisse la dose d'injection quotidienne, Quinton n'ayant pas encore systématisé entièrement sa méthode et le cas étant de ceux qui réclament la double injection quotidienne de 200 grammes de Plasma. Néanmoins, la reprise de l'accroissement est obtenue et peu à peu disparaissent tous les symptômes entéritiques. De 5.000 grammes à l'admission, le 29 mai 1912, l'enfant passe à 8.450, (Fig. 2) 6 mois plus tard et à 11 kgs. 300 gr un an après le début du traitement, qui a duré, avec quelques intervalles de suppression, 12 mois.
Dès lors, la santé demeurera bonne. A 23 mois: 13 kgs. 200; à 4 ans et demi: 17 kgs.; à 8 ans: 27 kgs. 700.
Revu 25 ans après le début du traitement (mai 1937), normal à tous points de vue (Fig. 3).
Observation B — (René Quinton) — Germaine G...
Admission au Dispensaire marin de Paris, le 25 septembre 1911. Poids de naissance (à terme), 3 kg. 500. A l'admission, à deux mois 14 jours, poids: 2.340 grammes (figure 4); retard du poids pour l'âge: 58% (Fig 4).
Tous les caractères physio-pathologiques de l'athrepsie type. Après une période d'alimentation insuffisante (enfant au sein), l'amélioration devient rapide, une fois l'enfant mise au régime de l'instinct. Elle double de poids en 5 mois de traitement. (fig. 5). Bonne santé régulière par la suite. Fortes doses, de Plasma au début (100 grammes par jour). Observée et traitée 9 mois.
Revue 26 ans après le début du traitement (mai 1937), normale à tous points de vue (figure 6).
Observation C — (René Quinton) — Sylvain J...
Admission au Dispensaire marin de Paris le 17 novembre 1909 pesant 12 kgs. 800 à 4 ans 9 mois (figure 7). Traité en ville depuis 3 mois. Perte de poids au cours de ce laps de temps: 1.600 grammes.
A l'admission: entero-colite subaiguë, glaires et muco-membrane. Adénoîdisme (adénoîdeetomie au cours du traitement). Un mois après l'admission: 13 kgs. 610; l'enfant est gai mais la constipation persiste (fig. 8)
Poids: 15.460 grammes le 12 mars 1910; gain moyen; 660 grammes par mois.
Guérison à peu près complète de tous troubles digestifs, malgré un traitement plusieurs fois interrompu. Durée totale du traitement, sans tenir compte des interruptions: un an. Faibles doses de Plasma: 26 à 50 cc.
Revu 28 ans après le début du traitement (mai 1937): normal à tous points de vue (figure 9).
Observation D — René Quinton) — Estelle B...
A l'admission au Dispensaire marin de Paris, le 15 avril 1911, poids: 2,920 grammes à 4 mois 10 jours. (Fig. 10).
Retard du poids pour l'âge: 54%. Vomit à chaque tétée. Remise au sein par la mère après un essai d'allaitement artificiel.
La même réflexion s'impose ici que pour l'observation précédente (A). Quinton n'a pas encore arrêté les prescriptions du régime de l'instinct chez les athrepsiques. Il ne s'est pas encore rendu compte que l'athrepsique ne peut pas assurer spontanément ses besoins au sein d'une nourrice et demeure a un régime de famine, même si l'on semble avoir pris les précautions nécessaires pour satisfaire son instinct. L'accroissement pour cette raison (enfant au sein insuffisamment nourri) sera modeste, malgré le traitement (fig. 11).
À 2 ans, le 18 décembre 1912, l'enfant ne pèsera encore que 9.830 grammes; mais la petite malade a recouvré tous les attributs de la santé, sauf le poids. Durée du traitement: 1an; fréquence de hautes doses: 50, 75, 100 cc de Plasma peur des récidives de troubles dyspeptiques.
Revue 26 ans après le début du traitement (mai 1937), normale à tous points de vue (figure 12).
CONCLUSIONS...
A chacun de juger si la pédiatrie sans eau de mer peut nous donner dans le traitement de l'athrepsie et du choléra infantile des résultats de l'ordre de ceux que nous apportons. Bornons-nous donc en terminant à attirer une fois encore l'attention sur deux points qui nous semblent d'une extrême importance.
Le premier est qu'une méthode a subi après 25 ans l'épreuve du temps. Si cette méthode continue à donner les résultats obtenus par le promoteur, l'épreuve est décisive et c'est le cas de la méthode marine de Quinton.
Le second point est que méthode marine de Quinton et injection d'eau de mer ne s'identifient pas l'une à l'autre. Certes la méthode comprend l'emploi de l'eau de mer en injections; mais la méthode exige le recours à des règles strictes, dans la diététique notamment. Il est absolument vain de vouloir injecter les patients d'eau de mer et de recourir en même temps à une diététique conformiste. Toute médication complémentaire est permise au cours d'un traitement marin; mais ce serait une erreur indiscutable que de prétendre appliquer la méthode tout en refusant d'accepter les règles précises que nous venons de rappeler.
BIBLIOGRAPHIE
(1) J. Jarricot — Les théories marines de René Quinton et leur application thérapeutique. La Cure Marine, IS33.
(2) J. Jarricot — Le Dispensaire marin, organisme nouveau de puériculture - Masson à Paris 1921 - l vol. de 630 pages, 140 figures.
(3) Le coefficient d'athrepsie de Quinton ou coefficient de dénutrition, s'exprime par le rapport du poids que l'enfant pèse comparé au poids qu'il devrait peser pour sa taille (table de croissance de Quinton in J. Jarricot, le Dispensaire Marin). Ce coefficient permet (et il est seul à permettre) d'exprimer par un chiffre l'amaigrissement véritable, un enfant pouvant être de faible poids pour son âge et cependant d'un embompoint normal pour sa taille. L'amaigrissement vrai ne peut être calculé par conséquent que rapporté à la taille. Ce coefficient de dénutrition apprécie cet écart du poids pour la taille et permet d'exprimer en outre en pourcentage un retard comparatif pour un enfant donné, comme pour des séries d'enfants.
(4) J. Jarricot — Du choix d'un sérum dans le choléra infantile. Serums alcalinisants ou Plasma de Quinton? La Vie Médicale. Juin 19S6.
(5) J. Jarricot — Quinton biologiste et les principes de sa méthode en thérapeutique infantile. La Vie Médicale, sept, 193B.
(6) J. Jarricot — La réaction au sublimé acétique de Triboulet chez les nourrissons injectés au sérum de Quinton. Journal des médecins praticiens de Lyon, 1913.
(7) J. Jarricot — Le pouvoir euphylactique de l'eau de mer; in le Dispensaire Marin, p. 416 et suiv, 1921.
(8) J. Jarricot — Les résultats que donne la méthode marine sont-ils durables? Observations avec résultats éloignés. Le Plasma de Quinton, fascicule 5, juin 1937.
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