Dr. Jean Jarricot
Directeur-Fondateur du Dispensaire René Quinton de Lyon
Origines marines de la vie et pédiatrie
Extrait des Actes du Congrès de Thalassothérapie
Montpellier1938
Imprimerie E. Hazel
Largentière
Ardène 1938
I. — Introduction
Je remercie les organisateurs de ce Congrès consacré à l'apothéose des pouvoirs infinis de la mer, de me donner une occasion nouvelle d'exposer quelques-unes des idées auxquelles depuis 25 ans j'ai consacré de nobreux travaux.
Malgré le temps d'exposition exceptionnel qu'on a bien-voulu me faire la faveur de m'accorder (et j'en exprime toute ma gratitude au Bureau du Congrès), ma tâche embrasse un domaine si vaste que je vais être contraint d'effleurer seulement les points sur lesquels je désire appeler l'attention.
Ma démonstration va prendre de ce fait un tour schématique; je le regrette sans pouvoir, l'éviter. Ce caractère sera d'ailleurs d'autant plus accentué dans la présente note que cette note n'est elle-même que le résumé succinct d'une conférence déjà condensée à l’extrème.
II. — Origines biologiques de la Méthode marine de Quinton
a) Quinton part du plus haut. Pourquoi les choses, sont-elles ce qu'elles sont?
Puisque la vie se perpétue c'est que la vie porte en soi les moyens de vivre et de se perpétuer.
Tout acte biologique possède une utilité. La recherche de cette utilité doit être le point de départ d'une connaissance plus complète des phénomènes de la vie actuelle, comme des causes qui ont provoqué à travers les âges disparus la succession des formes animales.
b) L'étude des températures animales contemporaines et celle de la succession des formes animales parallèlement au refroidissement progressif du globe, montrent d'abord que la vie tend à maintenir à travers les variations cosmiques la température des origines (Loi de Constance thermique de Quinton).
c) La Constance thermique n'est pas un phénomène isolé. La vie est liée à d'autres caractéristiques. De ce nombre sont: la Constance aquatique, qui régit la quantité considérable d’eau que renferme le protoplasme; la Constance osmotique, réalisée dans l’organisme par la présence des sels caractéristiques de l'eau de mer. La salure organique s'entend d'ailleurs non seulement de la constance d'une formule minérale propre à l’eau des océans, mais de la constance des corps rares eux-mêmes contenus à la fois dans l’eau de mer et dans l'organisme; et au surplus d'une constance dans les proportions relatives des sels trouvés de part et autres à l'analyse.
d) En somme, un organisme, si haut que soit le rang qu'il occupe dans l'échelle animale, apparaît comme un aquarium marin où continuent à vivre, dans les conditions aquatiques des origines, les cellules qui le constituent (Loi générale de Constance marine de Quinton).
e) Enfin la survie des globules blancs dans l’eau de mer; la survie des chiens saignés à blanc et injectés d'eau de mer; la survie des chiens injectés d'une quantité d'eau de mer supérieure à leur propre poids et maintes expériences analogues, démontrent la non toxicité de l’eau de mer isotonique.
L'eau de mer isotonique s'entend dans ces expériences du Plasma de QUINTON, c'est-à-dire d'une eau océanique, pure à l’origine, étendue d'une eau naturelle très faiblement rninéralîsée, stériliséé à froid à la bougie de porcelaine et enfermée dans des récipients de verre dur et exempt de blomb.
f) Cette non toxicité et ces propriétés vitales évidentes ont conduit à l'essai thérapeutique, à l’injection intratissulaire d'eau de mer. Des expériences faites dans les services de MM. Magé et POTOCKI, accoucheurs des hôpitaux de Paris, ayant fourni à René QUINTON la preuve d'une supériorité de l'eau de mer sur le sérum artificiel (supériorité déjà évidente au laboratoire de physiologie), la méthode ne pouvait pas tarder davantage à entrer dans la pratique courante. Elle le fit vers 1905 avec un succès qui fut immédiat et qui devait être complet. L'épreuve du temps est aujourd'hui définitive.
Pour ma part, et sans parler des enfants de la clientèle de ville, le nombre des enfants observés à mon Dispensaire dépasse 4,000. Le nombre d'iniections faites dépasse deloin 150,000. Le nombre de centimètres cubes d'eau de mer injectés est de l’ordre de plusieurs millions. D'importantes collections photographiques réparties sur 25 ans, permettent d'apporter des preuves décisives à l’appui des résultats cliniques que je vais exposer. Le nombre d'injections (l’eau de mer pratiquées par le Dispensaire marin de Paris est de l'ordre de 100,000 par an. Le nombre des praticiens qui utilisent l’eau de mer en injections est de jour en jour croissant et depuis longtemps considérable... J'insiste à dessein: l'épreuve du temps est chose acquise pour l'emploi de l’eau de mer selon la méthode marine de QUINTON.
III. - Application de la méthode marine à la puériculture et à la pédiatrie.
a) Les dispensaires René Quinton
Le Dispensaire marin est une formule nouvelle de la Consultation de nourrissons. C'est d'ailleurs essentiellement une Consultation de nourrissons; le tiers des enfants qui suivent les consultations du Dispensaire René Quinton de Lyon ne reçoivent aucun traitement.
Mais envisageons la situation du médecin en face d’un enfant entaché d'hérédo syphilis, de tuberculose, de dyspepsie héréditaire, de quelques tares du terrain alcoolique, de troubles fonctionnels dus à l’arthritisme héréditaire; bref, d'un enfant qui est stigmatisé par une maladie familiale. Dystrophie pure ou maladie déjà en puissance? Les malaises apparents peuvent être médiocres; il n'y a pas nécessairement de grands orages pathologiques, intestinaux ou nerveux, par exemple. Mais l'expérience nous a trop bien appris ce qu'il advient de ces enfants chétifs et fragiles, tous retardataires et dysharmoniques, tous incapables d'arriver à l’euphorie normale, même dans une atmosphère d'hygiène parfaite. Tous ces enfants doivent recevoir, dyspeptiques ou non, le régime libéral des hypotrophiques et le sérum qui rénovera leur milieu vital appauvri et vicié.
Là est la grande tâche du Dispensaire marin, son rôle caractéristique, sa plus haute raison d'être.
b) Le traitement prènatal — Les modifications profondes apportées par le traitement marin et relevées chez des enfants porteurs de tares de haute gravité, les transformations durables d'organismes déchus, tout un ensemble d'observations fressures conduit à penser que des modifications de même ordre, des transformations aussi favorables pourraient affecter le germe et son développement intrautérin. Or, l’hypothèse est vérifiée. Des femmes ont-elles donné naissance à des prématurés, à des morts-nés, à des enfants d'un chétivité extrême, porteurs de tares physiologiques et de stigmate anatomiques de tous genres? Sans autre traitement que l’injections d’eau de mer pendant la grossesse suivante, ces mêmes femmes mettent au monde des enfants supérieurs à la normale, vierges de toute tare, qui se développent avec régularité et que l’on retrouve en parfait état des années d’observation.
Faut-il ajouter qu’il ne s’agit pas de résultats exceptionnels, de cas heureux, d’observations récentes et favorables mais éparses et qui autorisent seulement des espérances? Il s’agit de fait obtenus en série et qui subi le contrôle du temps.
IV. —Quelques critériums de Faction marine.
J'ai mis en évidence dans le cours de ces 25 dernières années divers critériums de l’action marine. Ainsi, l’action immédiate de l’eau de mer sur les fonctions hépatiques, action attestée par l’étude des pigments biliaires dans les selles des nourrissons; l’action élective de l'eau de mer sur le développement des centres inerveux de l'enfant, action attestée par les variations du périmètre crânien dont je possède plus de 50,000 relevés. Mais je ne veux insister ici quelque peu que sur le seul critérium auquel j’ai donné le nom de Loi de Constance de l'eutrophie marine.
Le phénomène ainsi dénommé consiste dans ce fait que tout nourrisson soumis à la méthode marine de Quinton (alimentation spéciale, dite «régime de l’instinct» et injections hypodermiques d’eau de mer, à de certaines doses réglées) s'accroît à une cadence fixe, quel que soit son retard au début du traitement. Cette cadence qui est de 800 grammes par mois est aussi, on le voit, celle du premier mois de la vie, l'accroissement maximum dont est capable la cellule humaine.
J'ai montré par ailleurs que cet accroissement est immédiat, quel que soit le temps depuis lequel le nourrison est stationnaire. J’ai pu montrer enfin, et ce point mérite d’être traité à part, que les résultats obtenus ne sont pas fugitifs.
V. Les résultats éloignés
Comme on peut en juger par les clichés projetés, les observations très nombreuses que j'ai pu recueillir personnellement au cours de ce quart de siècle, sont tout fait démonstratives. Mais je possède depuis quelques années des documents plus décisifs encore, s’il est possible; ce sont les résultats éloignés.
J’ai recherché à Lyon et fait rechercher à Paris ce qu’étaient devenus après des années (10 ans, 15 ans, 20 ans et plus), nos anciens athrepsiques. Une grande surprise m’attendait. Tous ces enfants ont traversé les années sans connaître aucune maladie. Tous ces êtres humains promis à une mort certaine (car nos recherches n’ont porté que sur des cas exceptionnellement graves à l'admission), tous ces enfants dont le destin était fatal, ont récupéré une vitalité nouvelle et, les documents projetés le montrent, singulièrement persistante.
VI. Conclusion
Arrivé au terme du temps dont je puis disposer, je n’ai rien dit encore des conditions dans lesquelles de tels résultats peuvent être obtenus. Il existe, en effet, toute une méthode dont l'injection d’eau de mer, si elle en est partie essentielle, n’est qu'un des éléments cependant. Mais je puis renvoyer pour l’exposé de cette méthode à de nombreuses publications, comme à tout ce que j'ai écrit moi-même. Je me bornerai donc en terminant et en vous remerciant de votre attention, à émettre un vœu: celui de vous voir prendre connaissance de ces conditions du succès dans l’emploi de l’eau de mer et tenter vous-mêmes l'expérience à laquelle je vous convie tous.
Puissent aussi les pouvoirs publics prendre quelque souci de la race et recourir pour sa défense, je vous en ai montré les raîsons, aux puissances sans limites de la mer, source de toute énergie vivante.
VII. Quelques références
1.) Origine marine de la vie, — R. QUINTON — L’eau de mer milieu vital des organismes élevés (Société de Biologie, 30 Octobre 1897). R.Quinton. —L’eau de mer milieu organique, 1 volume (Masson 1904). J.WEBER.—Les théories biologiques de René QUINTON (Revue de Métaphysique et de Morale, 1905 p. 114-141) Jean JARRICOT. — Les théories marines de QUINTON et leurs application thérapeutique (La Cure Marine, Ostende 1933).
2.) L'eau de mer en puériculture et en Pédiatrie. 0. MAGÉ et R. QUINTON. Le Plasma marin en injections sous cutanées dans le gastro-entérites infantiles. (Revue de Gynécologie et de Pédiâtrie - Juin 1912). Jean Jarricot — Le Dispensaire marin; un organisme nouveau de Puériculture, l volume (Masson 1921). Jean JARRICOT — QUINTON biologiste et les principes de saméthodeenthérapeutique infantile (Vie Médicale, Septembre 1935). — Jean JARRICOT- choix d'un sérum dans le choléra infantile. Sérum alcalinisant ou Plasma de QUINTON? (Vie Médicale, Juin 1936). JEAN JARRICOT - Pratique et résultats delà méthode marine de QUINTON dans l’athrepsie le choléra infantile (La Cure Marine, Ostende 1938).
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